La colère

 

La colère Par Martin Belzile, candidat au Doctorat en psychologie

La colère est une émotion qui dérange!

Ça dérange celui ou celle qui est en colère. Ou ça dérange les gens autour. Ou les deux!

Il est difficile de demeurer insensible à la colère. On parle ici de la colère telle qu’on l’entend habituellement, pas de l’irritation ou de la frustration, qui sont aussi de la colère, mais à un degré moindre. Ces formes de colère sont certainement moins dérangeantes. Mais la colère qui transporte, qui peut faire perdre la carte, qui fait crier, qui empourpre la peau, qui injecte de l’adrénaline dans les veines, cette colère-là dérange.

Pour toutes sortes de raisons, que ce soit par éducation, par imitation sociale ou pour éviter des sanctions légales, la plupart d’entres nous avons appris à tempérer notre colère, à la cacher, à la nier, à l’ignorer. Ou peut-être encore, certains d’entres nous n’ont jamais appris à la gérer et laissent celle-ci les emporter, guider leur comportement. Mais qu’elle soit réprimée ou exprimée, la colère imprime à peu près toujours ses effets : sur soi, sur les autres…

Il peut être utile de se souvenir que la colère est d’abord et avant tout une émotion. Une émotion est une réponse interne basée sur une perception. Dans le cas de la colère, c’est habituellement une menace qui est perçue. À tort ou à raison ! On aura l’impression que notre intégrité physique ou psychique est menacée et on aura l’émotion de colère pour nous informer de cette impression.

Cependant, une émotion n’est pas seulement un message. Si c’était le cas, la colère ne serait pas une émotion aussi problématique. L’émotion mobilise : elle prépare et elle met en mouvement la personne. Par exemple, la tristesse est associée au deuil : deuil d’une personne, d’une situation, d’un rêve… de laquelle ou duquel on est appelé à se séparer. La peur peut mobiliser la personne à entrer en mode combat ou en mode fuite.

Pour sa part, la colère a habituellement le rôle de mobiliser la personne à rétablir l’équilibre qu’elle perçoit comme brisé. Généralement, la colère amène la personne à agir de manière à prévenir, à intimider ou à attaquer ce qu’elle perçoit comme menaçant. Dans sa forme la plus « naturelle », la colère mène à l’agression, à la violence. Et de façon « naturelle », la violence engendre la violence. Chaque société a donc dû, à sa manière, trouver divers moyens pour gérer la violence de ses individus. Et l’un de ces moyens concerne justement la gestion de la colère par les individus eux-mêmes.

La gestion de la colère

Les raisons qui amènent une personne à vouloir gérer sa colère peuvent être personnelles ou dictées par la société dans laquelle elle vit.

Parce que la colère est une émotion inconfortable, elle pousse la personne à réagir, ne serait-ce que pour sortir de cet inconfort. La question est plutôt de savoir comment cette émotion sera gérée.

Le chercheur-clinicien Charles D. Spielberger (1988) a proposé un modèle encore utilisé aujourd’hui pour définir trois réactions possibles à la colère : l’expression inadéquate (anger-out), la répression (anger-in) et le contrôle de la colère.

L’expression inadéquate

L’expression inadéquate de la colère renvoie à une façon d’exprimer sa colère avec peu ou pas de retenue. Ce peut être par des actions hostiles ou carrément violentes (gestes obscènes, insultes ou agressions physiques). Ce peut être en criant, en brisant des objets. Ce peut aussi être par l’utilisation de sarcasmes. Ici, la colère est exprimée. On pourrait aussi dire qu’elle n’est ni retenue ni contenue. L’étiquette « inadéquate » est ajoutée pour illustrer que cette façon d’exprimer sa colère est accompagnée d’effets indésirables : elle provoque la peur, l’hostilité ou la violence chez ceux qui en sont témoins.

L’expression inadéquate de la colère endommage la relation.

« Inadéquate » renvoie aussi au manque de retenue. Il est attendu d’une personne vivant dans notre société qu’elle soit capable de retenir sa colère. D’ailleurs, les neuroscientifiques ont montré qu’une partie du lobe préfrontal, responsable d’inhiber les impulsions d’agression, est parfois sous-développée chez certains individus agresseurs (voir Shaver & Mikulincer, 2011). Cette zone de régulation se développerait principalement au cours de l’enfance ; en contrepartie, l’exposition à la violence pourrait amener ce régulateur à s’atrophier, laissant la personne exprimer avec peu ou pas de retenue sa colère, sous forme de violence.

Il y a ici un lien plus ou moins direct entre la colère et la violence.

La répression

La répression de la colère consiste à tenter de retenir, voire de nier la colère vécue. En fait, si l’expression inadéquate de la colère suggère un manque de retenue, la répression de la colère suggère plutôt un « excès » de retenue. C’est une réaction qui semble témoigner de l’impression que la colère est inacceptable. En effet, plusieurs clients, et peut-être majoritairement des clientes, ont appris que la colère est mauvaise. On peut imaginer par exemple un enfant qui s’est fait dire que c’est « pas beau » de se mettre en colère et qui a appris à faire « comme si » elle ou il n’était pas en colère. Et de l’extérieur, il peut être très difficile de voir cette colère qui se présente : certains sont passés maîtres dans l’art de déguiser leur colère.

Les dangers associés à ce mode de réaction sont de vivre de la culpabilité face à cette colère qui est là, mais qu’on tente de cacher, d’annihiler. À l’usure, cette culpabilité peut prendre la forme de sentiments anxieux ou dépressifs. En langage populaire, on dira que la personne est rongée par une colère qu’elle tente d’ignorer. Cette négation de la colère peut avoir des effets très négatifs pour la personne qui en vit. Et dans certains cas, sur ses relations avec son entourage

Il n’y a ici ni colère ni violence (sinon une violence envers soi-même).

Le contrôle

Cette réaction implique une reconnaissance de la colère ressentie et l’utilisation de diverses stratégies afin de la contrôler. Elle implique d’une part de demeurer attentif aux émotions vécues, incluant les signaux qui indiquent la colère. Selon ce modèle, une reconnaissance de la colère permet une réponse constructive.

Cette réaction peut impliquer diverses stratégies qui permettent à la personne de se calmer, de rester patiente et de comprendre les autres. Cette réaction n’endommage guère ou pas la relation et la personne n’est pas non plus prise avec un sentiment de culpabilité qui peut paralyser.

Ici, il y a de la colère, mais elle n’est pas accompagnée de violence

Quoi faire avec la colère ?

La théorie nous dit qu’il existe diverses stratégies qui permettent de contrôler la colère et d’éviter qu’elle nous amène à détruire les relations autour de nous, tout en évitant de se détruire soi-même avec des sentiments anxieux ou dépressifs.

En pratique, il est parfois difficile de se voir aller, de voir venir les sentiments de colère, de les accepter, de les tolérer, de ne pas les décharger ni les nier. Apprendre à gérer sa colère est parfois laborieux, mais peut parfois être essentiel pour vivre des relations saines avec autrui et avec soi-même. Certains y arrivent facilement, d’autres entreprennent auront besoin d’aide. La psychothérapie devient pour eux une option de choix pour acquérir les outils qui leur permettent de faire face à cette émotion universelle et épineuse.

Martin Belzile travaille depuis 2011 auprès d’hommes et de femmes aux prises avec des difficultés de gestion de l’agressivité. Il les aide à retrouver la paix avec leur colère en trouvant avec eux un sens à cette colère et en développant des stratégies afin d’exprimer adéquatement cette colère.

Vous pouvez le joindre au 514-554-8279 ou au m.belzile@usherbrooke.ca

Références

Feindler, E. L. (2006). Anger related disorders: A practitioner's guide to comparative treatments. New York, NY, US: Springer Publishing Co.

Shaver, P. R., & Mikulincer, M. (2011). Human aggression and violence: Causes, manifestations, and consequences. Washington, DC, US: American Psychological Association. doi:10.1037/12346-000

Spielberger, C. D. (1988). Manual for the state-trait anger expression inventory (STAXI). Odessa, Fl, US: Psychological assessment Resources Inc.


© Clinique de psychologie Psychologue-Montréal.ca